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Cancer du sein, Microenvironnement et Immunociblage : E. Liaudet-Coopman

Projet scientifique

Le cancer du sein est l’une des causes principales de décès par cancer chez la femme. Le cancer du sein triple-négatif (TNBC), caractérisé par des taux faibles d’expression des récepteurs aux estrogènes (RE) et à la progestérone (PR), et l'absence d’amplification de l’oncogène HER2, représente 15-20% des cas de cancer du sein. La résistance aux traitements systémiques est fréquente, particulièrement pour les patientes atteintes de TNBC. Ainsi la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques et/ou de stratégies thérapeutiques est cruciale. Avec la découverte des antigènes tumoraux et la technologie des anticorps monoclonaux, l’immunothérapie ciblant le microenvironnement tumoral est une option d’avenir.
Il est désormais admis que le caractère invasif d’un cancer est déterminé non seulement par celui des cellules tumorales mais aussi par leurs interactions avec l’environnement extracellulaire qui module les capacités de développement de la tumeur et de progression tumorale métastatique. Les cellules cancéreuses communiquent entre elles et avec les cellules du stroma environnant de manière dynamique. Cette communication se fait le plus souvent via des facteurs sécrétés en excès dans le milieu extracellulaire (facteurs de croissance, cytokines, protéines de la matrice extracellulaire, protéases), créant un microenvironnement tumoral. 
Notre équipe étudie les fonctions non classiques des protéases dans le cancer du sein et en particulier le rôle signalétique atypique de la cathepsine D (cath-D) massivement sécrétée dans le cancer du sein. La cath-D, un marqueur de mauvais pronostic des cancers du sein, stimule la prolifération des cellules cancéreuses et des fibroblastes, l’angiogenèse et la croissance tumorales, ainsi que la dissémination métastatique dans le cancer du sein. Les rôles oncogéniques de la cath-D extracellulaire sont liés à sa capacité à interagir avec des partenaires tels que le récepteur LRP1 et également son action protéolytique. Récemment, par une approche de protéomique N-TAILS (N-terminal Amine Isotopic Labelling of Substrates), nous avons démontré que la protéine matricellulaire SPARC est clivée dans sa partie carboxy-terminale par la cath-D, ce qui libère un fragment de SPARC de 9-kDa présentant une activité oncogénique exacerbée comparée à SPARC native [Alcaraz et al, Theranostics, 2021].

Cette étude met en exergue la complexité des modifications post-traductionnelles des protéines du microenvironnement tumoral des TNBC par clivage protéolytique et souligne l’intérêt du ciblage de certains fragments libérés [Patent submission number 1000499586, N° EP20306254.2].
Suite à la découverte des rôles oncogéniques de la cath-D hypersécrétée dans le microenvironnement des cancers du sein, l’équipe a initié avec le soutien du Labex MAbImprove** le développement d’anticorps humains innovants anti-cath-D pour proposer une alternative thérapeutique dans le traitement des TNBC. L’équipe a généré par phage display des anticorps monoclonaux humains anti-cath-D qui inhibent la croissance tumorale de lignées humaines de TNBC. L’anticorps F1, le plus performant, induit une activation des cellules NK (Natural Killer), inhibe le recrutement des macrophages associés à la tumeur de type M2 et des cellules myéloïdes immunosuppressives (MDSC), et induit un microenvironnement tumoral moins immunosuppresseur [Ashraf*, Mansouri* et al, JITC, 2019 ; WO2016/188911A1; PCT/EP2019/085833)].

Nos résultats mettent en exergue que la cath-D est une cible extracellulaire appropriée pour un traitement à base d’anticorps anti-cath-D immunomodulateurs dans les TNBC. Au-delà des protéases, ce programme d’immunociblage à l’aide d’anticorps sera étendu à certains fragments matriciels qui jouent un rôle majeur dans le remodelage du microenvironnement tumoral. Le programme bénéficiera de l’arrivée dans l’équipe du Dr Chardès (DR CNRS, IRCM ; ancienne équipe A Pèlegrin), qui possède une expertise en immunologie, en anticorps thérapeutiques ciblant la famille ErbB [Le Clorennec et al, Mol Cancer Ther, 2017 ; Lanotte et al, Cancer Sci, 2020], et dérivés de type Antibody-Drug Conjugate [Bourillon et al, Int J Cancer, 2019].
Avec les médecins de l’équipe, Dr Guiu (sénologue, ICM) et Pr Roger (anatomopathologiste, CHU Nîmes), nous nous sommes intéressés aux TNBC exprimant le récepteur aux androgènes (RA) qui présentent des caractéristiques similaires aux tumeurs luminales RE+ et un risque plus élevé de récidive tardive. La co-expression de cath-D+/ RA+ analysée sur un TMA (Tissu Micro-Array) de 147 patientes atteintes de TNBC non métastatiques traitées à l’ICM entre 2002 et 2012 prédit de manière indépendante la survie globale. Cette étude préclinique met en évidence un nouveau sous-groupe de TNBC, qui pourrait bénéficier d’une thérapie combinée avec des anti-androgènes et l’anticorps anti-cath-D développé dans l’équipe [Mansouri*, Alcaraz* et al, Cancers, 2020].

**L’équipe est intégrée au LabEx MAbImprove  depuis 2011 (http://mabimprove.univ-tours.fr).
 


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