Recherche
Régulation Epigénétique et Cancer : E. Julien

Projet scientifique

Une des grandes énigmes de la biologie est de comprendre comment les cellules de notre cerveau, de notre foie, ou de nos muscles peuvent être aussi différentes alors même qu’elles possèdent toutes le même patrimoine génétique. Depuis environ trois décennies de nombreuses découvertes ont montré que l’interprétation du code génétique dépend d’un autre code appelé code épigénétique. En effet, l’accès à la molécule d’ADN, support de l’information génétique va être finement régulé grâce à l’organisation spécifique de l’ADN en une structure très complexe appelée chromatine. L’unité de base de la chromatine est le nucléosome, qui se compose d’un octamère d’histones (H2A, H2B, H3 et H4) autour duquel la molécule d’ADN vient s’enrouler. La chromatine est soumise à de nombreuses modifications chimiques, dîtes épigénétiques, qui sont notamment la méthylation de l’ADN ou des modifications post-traductionnelles des histones (méthylation, acétylation, phosphorylation..). Ces modifications permettent en particulier de moduler l’état de compaction de la chromatine et donc l’accessibilité à l’ADN aux différentes machineries moléculaires.

            Nous savons aujourd’hui que la structure de la chromatine et ses modifications épigénétiques joue un rôle déterminant dans l’identité des cellules et que leurs altérations contribuent au développement des cancers. De façon extrêmement intéressante, les modifications de la structure de la chromatine, contrairement aux modifications génétiques, sont réversibles et constituent donc une cible thérapeutique très prometteuse. Tout l’enjeu réside donc dans la compréhension fine des mécanismes épigénétiques, afin d’offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans le traitement du cancer avec le développement d’ « épi-médicaments », molécules capables d’agir sur les facteurs clés de ces mécanismes épigénétiques. De plus, cette recherche peut ouvrir la voie à l’identification de nombreux bio-marqueurs de diagnostic, de pronostic et de réponse aux traitements.

            Nous avons récemment montré que l'inactivation des gènes codant pour les protéines de la famille HP1 (heterochromatin protein 1) spécifiquement dans les hépatocytes conduit au développement de tumeurs du foie. Cette perte des protéines HP1 s'accompagne d'une diminution globale des marques connues de l'hétérochromatine, à des défauts de l'expression de nombreux gènes importants pour l'homéostasie du foie ainsi qu'à la réactivation d'un certain nombre de rétrotransposons. De plus, les cellules n’exprimant plus les protéines HP1 ont tendance à échapper à la sénescence, un processus important pour l’arrêt du cycle cellulaire au cours du vieillissement et qui apparaît également comme un mécanisme de protection contre la tumorigénèse. Grâce à une combinaison d’approches moléculaires, cellulaires et anatomiques, nous allons maintenant aborder de nombreuses questions autour des protéines HP1 : (i) Comment ces protéines influencent elles l’organisation chromatinienne et nucléaire ? (ii) Quels sont les liens entre organisation chromatinienne/nucléaire et fonctions cellulaires et la sénescence au cours du vieillissement, et enfin (iii) Comment la dérégulation des fonctions associées à ces protéines clés de la chromatine vont conduire une cellule saine à se transformer en une cellule cancéreuse ?

            Le deuxième axe de recherche de notre équipe porte sur les voies de signalisation régulées par les enzymes responsables de la méthylation de la lysine 20 de la queue N-terminale de l’histone H4. Pour ce faire, nous utilisons des outils génomiques et protéomiques aussi bien dans les modèles génétiques de mammifères que chez la Drosophile. Cet axe de recherche s’articule autour de trois grands thèmes : (i) le rôle de la méthylation de la lysine 20 de l'histone H4 (H4K20) dans la réplication et la stabilité du génome, (ii) L’identification de substrats non-histones des enzymes de méthylation H4K20 et leur lien avec les processus cellulaires associés au cancer et (iii) La caractérisation de nouvelles létalités synthétiques induites par l’association d’inhibiteurs chimiques dirigés contre les enzymes épigénétiques et des composés déjà utilisés en thérapie, mais pour lesquels les nombreuses résistances et/ou effets secondaires nécessitent de rechercher de nouvelles combinaisons létales.

Les différents projets de recherche développés par notre équipe permettront de mieux comprendre les mécanismes moléculaires du développement de nombreux cancers d’origine épigénétique et de proposer de nouvelles stratégies thérapeutiques.


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